Débats scientifiques : billet du Pr Stéphane Ralandison


La science est toujours matière à débats. Aussi, voici un billet du Professeur Stéphane Ralandison, doyen de la Faculté de Médecine de Toamasina, passé par le CHU de Toamasina, de Lyon Sud, de Montpellier et de Bordeaux. 

Il a réagi à l'endroit des médecins, chercheurs et enseignants, après le lancement du Covid Organics contre le coronavirus.

"Chers Collègues médecins, enseignants, chercheurs malgaches. Oui, vous êtes tous mes collègues car en tant que professeur en médecine et chef de service dans un CHU (en première ligne dans la prise en charge des patients infectés par le COVID19, mais pas que !), j’endosse ces trois responsabilités, et je suis relativement bien informé de ce qui se passe à Madagascar dans la lutte contre cette pandémie. J’estime qu’il est de mon devoir d’exposer mes idées dans cette frénésie vers les informations/nouveautés contre les maladies virales. Tant qu’il nous reste un brin de lucidité scientifique et avant que les apprentis savants prônent la vérité de leurs idées à travers les réseaux sociaux. Je vais essayer d’être « haingana sy tsara » (beaucoup m’identifieront avec ça) et vous prie de me lire jusqu’à la fin. Ah, à bien préciser dès le début car j’ai failli oublier, toute ressemblance avec des faits ou situations existantes ou ayant existé est purement fortuite…

En tant qu’Enseignant et Chercheur, nous savons bien la valeur de la Médecine fondée sur des preuves. C’est un idéal, mais pas toujours applicable, surtout en temps de guerre, de grandes catastrophes, dans des situations où on est complètement démuni face à un danger imminent, et où la meilleure solution est de « faire quelque chose » face à un patient qui n’a d’autres issues que la mort. Mais Madagascar est-t-il à ce stade concernant l’infection à cette maladie à laquelle vous pensez ? Ce virus circule bel est bien dans le pays, c’est irréfutable, et le risque d’une catastrophe est réel. Nous avons certes 110 cas confirmés pour l’instant, mais les formes graves de la maladie ne dépassent pas les doigts d’une main, la grande majorité des patients n’ont pas ou peu de symptômes. Ils sont bien infectés par ce satané virus couronné, mais fort heureusement, ils n’en sont pas malades. Oui, je confirme : la majorité des cas confirmés n’ont pas eu ou ont peu de symptômes, et ils n’étaient donc pas en situation de catastrophe, ni d’urgences ! (Par contre, ils peuvent contaminer, et je vous incite à suivre et faire suivre les mesures barrières prônées par l’Etat malgache, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !). De plus, tous les scientifiques admettent que plus de 90% des patients infectés par ce virus couronné guérissent tout seul grâce à leur propre immunité, … et bien sûr ils vont plus que guérir s’ils n’ont jamais été malades ! 

Aussi, quand on dit qu’on a trouvé un médicament contre ce virus, à nous de nous poser les questions et de nous trouver nous-mêmes les réponses. Je vous épargne des données pharmacodynamique et pharmacocinétique du produit car on est soi-disant dans l’urgence et que les remèdes traditionnels ne s’exigent pas de telles règles. Mais au moins, où était-t-ils testés ces médicaments ? Sur quels profils de patients ? Quels étaient les effets attendus puis obtenus ? Par quels moyens les a-t-on mesurés ces effets? Car si les effets recherchés sont cliniques sur des patients peu ou asymptomatiques, eh ben…. Et si les effets recherchés sont biologiques, je vous lance le défi de pouvoir justifier cela au stade où nous sommes actuellement à Madagascar au vu de nos plateaux techniques. Et ce sans considérer l’évolution naturelle encore une fois spontanément résolutive de la maladie dans la grande majorité des cas.

Le constat est assez simple : on ne peut avoir que de bons résultats d’un médicament donné à une personne qui n’a pas ou a peu de symptômes, car il n’aura pas plus de symptômes. Avouez que ce n’est pas bien scientifique tout cela ! On est très loin d’une basique méthodologie de thèse à laquelle nous leurs faisons pousser leurs premiers cheveux blancs à nos pauvres thésards ! L’essai de nouveaux médicaments qui peut brûler les étapes d’une rigueur scientifique n’a de mérite et raison d’être que pour les formes graves où on est dans une impasse. Et encore, …

Je prends ma blouse de médecin maintenant. Donner un médicament à un patient qui n’en a pas besoin est-t-il éthique ? Si nous traitons un sujet sain et normal : au mieux il reste et sera en bonne santé, au pire il est malade des effets secondaires du médicament. Mes chers confrères, Primum non nocere ! Que nous a infligés ces ancêtres grecs de la Médecine pour que nous transgressions ce dogme ? Comme le disait également l’illustre Pr RAKOTO RATSIMAMANGA « Sublime est la science qui a pour objet de conserver la vie ». Pourquoi prendre le risque d’être nocif si on n’en a pas besoin ? Durant notre soutenance de thèse, n’avons-nous tous pas lu avec émotion, voire les yeux brillants de petites larmes devant la famille ce passage du serment d’Hippocrate : « … Hajaiko tanteraka ny ain’olombelona na dia vao notorontoronina aza aho, ary tsy hahazo mampiasa ny fahalalako ho enti-manohitra ny lalàn’ny maha-olona aho na dia vozonana aza… ». Gardons cette brillance dans notre raisonnement, restons de bons médecins soifs de connaissances, les bonnes connaissances.

Mon texte n’a pas vocation à faire polémique, mais surtout à faire réfléchir. Nous aimons notre pays, nous avons de l’estime pour Madagascar, et nous ne cherchons que le bien des Malgaches.

Covidemment votre !" 
Pr. Stéphane RALANDISON

Enregistrer un commentaire

1 Commentaires

  1. Il n'y a pas de beaucoup de cas grave à Madagascar, par ce que les patients séropositifs sont traités avec le protocole du professeur Didier Raoult. Une question: pourquoi faire un vaccin à une personne en bonne santé ?

    RépondreSupprimer